De la mêlée à Scrum

De la mêlée à Scrum
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Introduction

Quand j’étais jeune je jouais au rugby. Les valeurs de ce sport m’y ont été transmises.

Dans une proche vie, j’étais chef de projet. C’est lors d’une formation de Claude Aubry que j’ai compris que mes succès professionnels étaient dus à ces vertus. C’est pour cela que j’ai décidé de tout relever et renverser. J’ai quitté mon confortable poste et j’ai choisi d’être indépendant pour revenir à « Scrum ».

Le rugby

À l’âge de 11 ans, mon père m’a conduit à mon premier entraînement de rugby. Mes premiers pas y ont été compliqués. La peur a été mon premier sentiment. Il n’est pas naturel de se faire bousculer, plaquer, percuter ou de le faire soi-même. Je n’avais qu’une envie : fuir. Le courage n’est pas inné. Mon père et mes coach, tels que Pierre Berbizier, m’ont soutenu et guidé. J’y ai appris que pour ne pas se faire mal il faut agir collectivement et être solidaire entre nous. J’ai compris que derrière tout essai, tout éclat il y a des joueurs qui ont œuvré dans l’ombre d’une mêlée, d’un maul, d’un regroupement fermé. Cette abnégation est la condition du succès. Vous avez peut-être remarqué qu’il est très rare qu’un marqueur d’essai oublie de remercier ces joueurs discrets.

Ce jeu semble simple. Il faut poser le ballon dans l’en-but de l’adversaire, ceci en ne se passant le ballon que par l’arrière. Seul le porteur du ballon peut être « touché » par ses adversaires. Je vous invite à lire l’article de Bernard Bensidoum. Il explique la force éducative et constructive du rugby. Sport rude où le ballon est porté et choyé comme un nourrisson. Fondé sur la transmission de celui-ci comme l’est celle du savoir et de la culture. Le tout est né d’une transgression de William Webb Ellis, qui nous invite à sortir des sentiers battus.
« LE JOUR OÙ WILLIAM WEBB ELLIS DÉCIDA DE PRENDRE LE BALLON DANS SES MAINS »

La mêlée

J’occupais le poste de seconde ligne (4 ou 5) au cœur de la mêlée. Ce poste est un poste de l’ombre. Mon rôle était de pousser en mêlée, de sauter en touche et d’apporter mon appui et ma « puissance ».
Peu de personnes en dehors du milieu comprennent la mêlée. Beaucoup trouvent même cela ennuyeux et inutile. Certains ont essayé d’en diminuer l’importance, par exemple au rugby à VII et à XIII. Du coup, ce sont des sports très différents. La mêlée est le cœur du rugby à XV.

Une mêlée sanctionne une faute telle qu’un en-avant. Il faut alors disputer le gain du ballon afin de lancer l’attaque suivante. Le demi de mêlée (le 9) donne ses directives au pack. Il leur dit ce qu’il souhaite. De là les 8 avants vont s’(auto-)organiser pour atteindre ce but.
Tout commence par la mise en place de la mêlée. Si vous avez l’occasion de regarder un match, observez comment cela se passe. Vous constaterez que tout est bien coordonné. C’est l’inverse du chaos. Pas d’improvisation à ce moment-là.

L’auto-organisation

Les 8 joueurs agissent et réagissent comme un seul être. Ils s’auto-organisent. Pas de chef pour donner des directives individuelles et planifiées. Éventuellement l’un d’eux (souvent le talonneur) cadence et synchronise les efforts des autres à la voix. Le demi de mêlée lui aussi aide le pack. Au début c’est lui qui indique l’objectif, la vision. Pendant la mêlée, il est ses yeux. Les 8 ne voient que le sol et l’intérieur de la mêlée. Il peut aussi changer le plan (l’objectif) en fonction des évènements qui arrivent

Les 8 joueurs agissent par reflexe, en se faisant confiance. Ils vont faire en sorte (ou essayer) d’obtenir le résultat qui leur est demandé. Si un côté cède et commence à reculer, alors l’autre côté va instinctivement reculer pour garder l’axe, la force collective et conserver la maîtrise du ballon. Car l’objectif n’est pas forcément d’avancer. Le but est de gagner le ballon. A l’inverse il se peut qu’un côté coupe son effort s’il avance plus et trop par rapport à l’autre. Tous les joueurs coordonnent leurs gestes. Ce souvenir de cohésion collective est très puissant en moi, il m’a façonné. C’est ce que je recherche dans une équipe. Cette harmonie en fait la force. L’inverse ou l’individualisme peut être attirant. C’est dévastateur dans une mêlée, c’est le côté obscur de la force.

Des postes spécifiques

La mêlée est donc le monde de l’auto-organisation. C’est aussi un endroit où chacun à un rôle spécifique. En particulier, les postes de la première ligne sont si dangereux qu’il faut des agréments. Et s’il manque un de ces joueurs, les mêlées ne sont plus jouées, elles sont alors simulées.

Tout commence par la mise en place de la première ligne. Le talonneur se positionne là où la mêlée se déroulera. Il est le repère. Les 2 piliers se lient à lui. Une fois-là, ils se concentrent, synchronisent leur respiration. La première ligne est constituée. Presque en même temps, les 2 secondes lignes se mettent côte à côte, s’attrapent et se concentrent. C’est à ce moment-là qu’ils s’accrochent avec la première ligne. Une nouvelle pause arrive à ce moment. Les 5 joueurs rentrent en symbiose. À cet instant ils ne sont plus 5. Ils sont le pack ou les 5 de devant. Il ne manque que les soutiens des 3 derniers avants. Les troisièmes lignes ailes doivent retenir leur pilier. Avec la puissance de la poussée du pack adverse et de la seconde ligne, les piliers ont tendance à être expulsés de la mêlée. Le troisième ligne centre, lui, doit maintenir les 2 secondes ligne dans l’axe et leur fournir l’impulsion initiale. Les troisièmes lignes sécurisent le pack en garantissant que la poussée de la seconde ligne soit toujours optimale et ne se dissipe pas dans le dos des piliers.

Quand vous êtes à côté du pack, vous entendez la respiration collective, vous ressentez la force, l’envie du groupe. J’en suis toujours impressionné et nostalgique.

Des entraînements

Pour en arriver là, pas de secret. C’est comme pour la musique, la magie ou tout autre sport. C’est l’entraînement qui fait qui permet cette symbiose.

Je me rappelle que pendant toutes mes vacances d’été, je faisais du vélo dans l’Ariège de mes grands-parents. Peut-être vous souvenez-vous de ce slogan : « L’Ariège ça monte et ça descend mais ça n’est jamais plat ». Je vous confirme cela. Mes mollets se rappellent des montées à l’étang de Lers. J’ai aussi appris et perfectionné des gestes techniques. Par exemple j’ai appris à percuter et tomber dans des gymnases avec des tapis et des sacs. Et ces gestes étaient répétés, répétés, répétés jusqu’à que cela soit naturel.

Au début de chaque saison, nous commencions par la mise en condition. Naturellement les avants courent ensemble (histoire de poids et gabarit). Nous (re)prenions l’habitude d’être ensemble. C’est là où la cohésion commence. Je me rappelle de ces moments où nous parlions de nos vacances. Les blagues fusaient comme les taquineries. Après nous commencions à faire des mêlées sans opposition. Nous cherchions à trouver nos marques. Assez rapidement, nous allions nous confronter à notre pire ou meilleur ami : le joug. C’est avec cet adversaire neutre que nous apprenions à obtenir la symbiose. C’est seulement après avoir atteint cette synchronisation que nous passions à des mêlées réelles en opposant 2 packs. Je ne peux pas vous dire le nombre de mêlées que j’ai effectuées lors des entraînements. Alors qu’en match, nous en faisions très peu, moins d’une dizaine…

C’est de là que j’ai gagné cet esprit du collectif très puissant. L’équipe est à mes yeux plus importante que moi.

Scrum

À 20 ans, j’ai choisi de me concentrer sur mes études (D.E.A en informatique). J’ai quitté les terrains de rugby. J’ai ensuite débuté ma carrière comme développeur. J’ai réalisé de belles choses. Mais je dois reconnaître que pendant longtemps j’étais insatisfait. Il me manquait quelque chose. En devenant chef de projet, je pensais que cela irait mieux. Toujours pas.

Ce fut à partir du jour où il m’a été demandé de diriger un projet avec des non informaticiens que la situation a évolué. J’ai travaillé avec des personnes qui ont des valeurs que je retrouvais sans les avoir reconnues. L’équipe a commencé à connaître des succès. Cela surprenait mes responsables. Je n’avais pas vraiment d’explication. Je disais que c’était parce que je disais « bonjour », « s’il vous plaît » et « merci ». Plus tard, j’ai compris qu’il y avait aussi le fait que je partageais avec eux les objectifs du projet et que je leur faisais confiance.

C’est avec la formation Scrum de Claude que tout s’est illuminé. Ce sont mes valeurs rugby et de coach de rugby qui m’ont permis de créer l’esprit d’équipe et de faire en sorte que nous arrivions à livrer dans les temps et en respectant les coûts prévus.

Le fait de considérer que l’équipe est plus importante que moi-même, surprend. Certains ne me comprennent pas. C’est pour cela que je vérifie dès le début si les ingrédients de la création du collectif sont là. De nombreux facteurs empêchent cette osmose. Je les oublie. Je me concentre sur les vecteurs positifs. Les principaux sont le respect des autres, la générosité, le courage et la curiosité. Quand ces qualités sont là, il m’est facile de déclencher l’envie de vivre ensemble. Au début, c’est un désir d’expérience. Cela se transforme rapidement dans un plaisir de travailler ensemble et plus encore. Et c’est à partir de là que je peux laisser cette famille vivre ensemble.

J’ai donc découvert les valeurs agiles. Je m’y suis totalement retrouvé avec le travail collectif, l’entraide… et les entraînements. Ce dernier point est un marqueur pour moi. Je considère que les entreprises qui assimilent cela à une perte de temps ratent l’essentiel. Sans kata, pas de bon travail.

Conclusion

Le désir de travailler dans des milieux agiles m’a fait quitter la société où j’étais. Celle-ci est magnifique. L’individualisme y était cultivé avec les fameux objectifs individuels… J’ai donc décidé de devenir indépendant. Il peut paraître incohérent et contradictoire de rechercher un collectif seul. Cela correspond à un engagement personnel. Et j’ai l’honneur d’être intégré dans deux familles : la fédération Agile et l’agile tribu. Je propose mes services pour aider à initier l’agile et surtout l’esprit d’équipe.

En écrivant ce texte, j’ai été surpris par l’émotion que j’ai ressenti en repensant à mon passé sportif. J’espère vous avoir fait percevoir les sensations et les raisons de la cohésion des rugbymen, des avants et surtout pourquoi je suis coach agile.

Rappels

Quelques rappels pour ceux qui ne connaissent pas le rugby :

  • la mêlée expliquée par Rugbyrama
  • Le pack ou les avants ou affectueusement les gros – ne leur dites pas ça si vous n’êtes pas intronisé, c’est à vos risques et périls – sont 8 joueurs :
    • 2 piliers & 1 talonneur ;
    • 2 secondes lignes ;
    • 3 troisièmes lignes ;
  • Les arrières ou trois-quarts sont 5 joueurs :
    • 2 centres ;
    • 2 ailiers ;
    • 1 arrière ;
  • Les demis sont les 2 joueurs faisant la jonction entre ces 2 autres groupes ;
  • Les joueurs et leur numéro :
    • 1 & 3 les piliers ;
    • 2 le talonneur ;
    • 4 & 5 les secondes lignes ;
    • 6 & 7 les troisièmes lignes ailes ;
    • 8 la troisième ligne centre ;
    • 9 le demi de mêlée ;
    • 10 le demi d’ouverture ;
    • 12 & 13 les centres ;
    • 11 & 14 les ailiers ;
    • 15 l’arrière.

 

 

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